Chiour par Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB |
«VIDOUY »
Le processus de la techouva s'articule autour de quatre étapes qui s'inspirent de la démarche de Moïse après la faute du veau d'or.
Ces quatre étapes sont :
- la prise de conscience de la faute,
- le regret des actes passés,
- la confession des fautes (en hébreu : Vidouy
= "reconnaissance") : Moïse a en effet prié Dieu
de pardonner cette faute en l'explicitant et en disant : "
ils se sont fait une idole"),
- prendre la décision de ne pas recommencer.
Ainsi la confession des fautes constitue l'une des étapes de la techouva. Lorsque l'on considère le Ma'hzor (le rituel des fêtes), on constate que la partie de la liturgie qui contient cette confession, le Vidouy, se présente sous une forme très particulière. En effet, Achamnou, bagadnou, gazalnoiu, .., sont des verbes que les meilleurs traductions ne peuvent rendre que par des synonymes ("nous avons fauté, nous avons péché, ..."), mais la forme particulière que prend ce Vidouy en hébreu est celle de l'acrostiche alphabétique. En effet chacun des termes utilisés a pour initiale l'une des lettres de l'alphabet et ainsi les vingt deux termes du Vidouy laissent apparaître les vingt deux lettres de l'alphabet hébraïque.
La deuxième forme que prend le Vidouy dans le Ma'hzor est le texte de la série des , al 'hétt ; et là encore, on constate la même particularité : les deux premières lignes concernent des fautes qui commencent par Aleph, les deux suivantes qui commencent par Beth et c'est ainsi qu'apparaît une fois encore tout l'alphabet hébraïque.
Cette particularité n'est évidemment pas fortuite : il convient donc de l'expliquer et d'en tirer les conséquences.
Les lamentations de Jérémie
Bien des textes bibliques ou liturgiques présentent la même particularité qui fait apparaître des acrostiches alphabétiques. Le livre biblique des Lamentations de Jérémie laisse apparaître sept alphabets (un dans le premier chapitre, un dans le second, trois dans le troisième, ...). Les commentateurs justifient cette particularité en disant que lorsqu'une catastrophe frappe Israël, ce n'est pas seulement parce qu'Israël a rencontré sur son chemin un peuple coupable ou violent - aujourd'hui on dirait antisémite -, mais la tradition cherche toujours a interpréter les épreuves subies par le peuple d'Israël comme des sanctions, des conséquences, à des manquements ou à des faiblesses d'Israël. Cette attitude s'explique par la simple lecture des bénédictions et des malédictions qui figurent à deux reprises dans le texte du Pentateuque (Lévitique et Deutéronome). Ces deux textes disent clairement : "Si vous écoutez la parole de Dieu vous serez bénis de tous les bienfaits que Dieu peut vous accorder, et si vous n'écoutez pas la parole de Dieu, des malheurs tels qu'on ose à peine les formuler à haute voix, s'abattront sur vous".
(Notez que pour la Bible il n'y a pas d'attitude moyenne,
c'est à dire que faire le bien c'est mériter des récompenses,
mais ne pas faire le bien c'est déjà
risquer de provoquer les sanctions).
Dans ce texte biblique figure le verset qui précise que la sanction
sera "sept fois à la mesure de vos fautes
" (Lévitique XXVI, 28).
Ainsi, la catastrophe représentée par la destruction
du Temple, dont le prophète Jérémie est le témoin,
est considérée comme une sanction qui est "sept fois à
la mesure des manquements d'Israël". Le texte biblique ne détaille
pas les fautes dont les hébreux se sont rendus coupables au moment
de la destruction du temple, comme pour dire que les manquements d'Israël
ont porté sur l'ensemble de la Torah, ce qui s'exprime de façon
formelle en disant qu'ils ont péché contre toutes les lettres
de l'alphabet qui a servi à écrire le texte de la Torah.
ACHAMNOU BAGADENOU
Le Vidouy, la confession des fautes, devrait nous conduire à préciser les fautes pour lesquelles on demande à être pardonné. Mais il n'est pas certain que le jour de Kippour on se souvienne de toutes les fautes dont on s'est rendu coupable au cours de l'année, et quand bien même on s'en souviendrait la journée de Kippour ne suffirait sans doute pas à en formuler la liste ; c'est la raison pour laquelle le texte liturgique se présente sous la forme de l'acrostiche alphabétique comme pour dire que nous aussi nous avons commis des manquements à nos devoirs par rapport à toutes les lettres de l'alphabet hébraïque.
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La halakha, la règle, stipule donc que, plutôt que de lire
de façon machinale ou rituelle le Vidouy imprimé dans les
livres de prière, il convient de faire l'effort de demander pardon
pour les fautes précises dont on sait qu'on s'en est rendu coupable.
Ainsi, au moment où l'on dit achamnou,
ce verbe qui commence par la lettre aleph, convient-il de penser
à toutes les fautes dont on a pu se rendre coupable et dont les
mots ou les verbes qui les désignent commencent par la lettre aleph.
Par exemple : akhalti, "j'ai
mangé" ; et il faut penser à la consommation de produits
qu'il est interdit d'absorber, aux produits autorisés consommés
sans réciter les bénédictions qui conviennent avant
et après leur absorption, aux moments où l'égoïsme
a conduit à manger sans chercher à partager avec les plus
démunis, etc.
Il convient de procéder de la même façon pour la lettre "beth" à propos de laquelle il faut penser à tous les verbes qui commencent par la seconde lettre de l'alphabet à propos desquels nous n'avons peut être pas su les mettre en pratique comme il aurait fallu.
Pour les non hébraïsants, cet exercice peut s'accomplir avec un dictionnaire français dans lequel on s'arrêterait à tous les verbes en se posant la question de savoir si on les a appliqués comme il convenait. Par exemple : ai-je abusé de la confiance d'autrui, ai-je aimé mon prochain autant que je l'aurai pu, ai-je abîmé des choses qui auraient encore pu être utiles, ai-je accusé à tort, ai-je bavardé à des moments où j'aurais du garder le silence, ai-je bafoué, ai-je bu sans réciter les bénédictions qui doivent accompagner la consommation d'un liquide, ai-je bravé l'autorité que j'aurai du respecter etc.
La liturgie de Kippour ne doit pas être formelle elle doit être
personnalisée et l'on sait aujourd'hui - comme le savait la tradition
juive de toute éternité - combien la parole est importante
et combien la confession des fautes peut être culpabilisante si elle
ne s'accompagne pas de la décision de mieux faire parce que si la
confession des fautes est suivie d'une Techouva sincère,
elle est libératrice : elle évite le refoulement et
a un effet libérateur, stimulant et dynamique.
REMARQUE : le Vidouy consiste en
une énumération de péchés qui ont pu être
commis ; il ne s'agit aucunement de constater les faiblesses d'autres membres
de la communauté, mais seulement des siens propres. Si ce texte
est au pluriel, les péchés que nous avons commis, c'est parce
que l'on considère que si quelqu'un d'autre a commis une faute,
nous devons nous sentir responsable parce que nous n'avons pas su l'éviter,
nous n'avons pas su donner le bon exemple, nous n'avons pas suffisamment
essayé d'enseigner à faire le bien.
Le Rabbin Daniel GOTTLIEB
A suivre .....
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