Chiour par Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB |
NASSO
Le nazir : jouissance et privations
Le nazir est un homme qui fait voeu de s'abstenir, pendant un temps, de toute consommation de vin; il ne devra pas non plus se couper les cheveux ni se rendre impur au contact d'un mort.
On peut considérer que ces limitations s'expliquent ou se justifient par le fait que l'alcool excite les sens et endort la vigilance ; de la même façon, la coquetterie de celui qui passe son temps à soigner sa chevelure constitue un premier pas sur le chemin de la débauche !
On comprend ainsi que celui qui s'impose les interdictions du nazir veuille se protéger - peut-être parce qu'il se sent fragile - contre les tentations de la faute. A ce titre, il est normal qu'il soit considéré comme un homme en quête de sainteté, voire comme "un saint" ("kadoch yihyé" N.B.)
Mais la Tora exige du nazir qu'il offre un sacrifice expiatoire à la fin de sa période d'abstinence : c'est ce qui conduit un certain nombre de commentateurs à considérer dans l'attitude du nazir, il y a une "faute" : le nazir est ainsi considéré comme un pêcheur, comme un coupable.
Il convient donc de s'interroger sur la condition de nazir et sur le
jugement que la Tora porte à son égard.
Est-il un saint ou un fautif ?
Son attitude est-elle méritoire ou coupable ?
On peut introduire un élément de réflexion pour répondre à cette question, en citant un enseignement général de la guemara sur la question des vœux :
"Celui qui formule un voeu peut être considéré comme un idolâtre" (Nedarim 22a).
Il est évident qu'une telle appréciation doit être expliquée.
La première réponse consiste à dire que Dieu a créé le monde et promulgué la Tora avec ses 613 commandements. Formuler un voeu quelconque, c'est à dire s'imposer un devoir ou une restriction qui ne figurent pas dans la Tora, revient en quelque sorte à critiquer Dieu, voire à prendre Sa place . Tout se passe en effet comme si celui qui formule un voeu, disait qu'il sait mieux que Dieu ce qui est bon ou ce qui nécessaire à l'homme ; d'une certaine manière, en formulant son voeu, il corrige ou complète la Tora. Sans doute ce propos semble t-il surprenant, surtout si l'on pense à tous ces gens qui, en toute bonne foi et dans le meilleur esprit, formulent des voeux.
C'est pourquoi il est important de montrer toute la gravité que comporte la formulation voeux.
Remarquer que depuis le début de cette réflexion, il est question de "formulation de voeux", comme si "faire un voeux" impliquait nécessairement nécessitait une formulation par la parole.
Tout le monde connaît le verset (Deut. XXIII, 24) : "Tu devras réaliser ce que tu dis, ce qui sort de tes lèvres, ce que tu exprimes avec ta bouche". Ce verset souligne la place de la parole dans la formulation des voeux ; or, la parole est ce qui différencie l'homme de l'animal (Dieu a créé l'homme "nefech 'haya", ce que le Targoum traduit par "animal parlant") ; mais la parole est aussi l'apanage de Dieu, puisque Il a créé le monde avec "dix paroles" et qu'Il a aussi révélé la Loi sous la forme des "asseret hadiberot", les "dix paroles".
Ainsi comprend-on que formuler un voeu est en général
un geste grave, puisqu'il s'agit de prendre la place de Dieu pour décider
ce qu'il est bon de faire, mieux qu'Il ne l'a fait Lui-même dans
la Tora.
Il y a encore une autre raison pour laquelle les Sages ne préconisent pas que l'on fasse des vœux. Si l'on veut être agréable à Dieu, contentons-nous d’accepter ses lois et de nous y soumettre ; il est inutile d'en rajouter. On dit souvent "qu'obéissance vaut mieux que sacrifice" et qu'il est plus important de faire ce qui nous est prescrit que de faire des choses facultatives, c'est à dire sans doute inutiles.
Peut-être, dans certains cas, est-il nécessaire de s'imposer à titre provisoire des limitations - c'est ce qui explique sans doute que la Tora ait envisagé la possibilité de devenir nazir - mais de toutes façons, quand on veut ou quand on doit faire quelque chose de bien, ce n'est pas la peine de l'annoncer sous forme de voeux. Voila donc pourquoi la Tora se montre réservée à l'égard de tous les voeux. On a l'impression qu'elle est encore plus sévère à l'égard de ceux qui, comme le nazir, s'imposent des privations. C'est sans doute parce que la Tora veut nous apprendre que toutes les bonnes choses, toutes les satisfactions que la nature met à notre disposition, sont des bienfaits que Dieu nous propose, parce que Dieu veut le bien-être de chacune de Ses créatures.
"Qu'est-ce que Dieu attend de nous ?" Que nous récitions cent bénédictions par jour" (Deut.). C'est à dire que cent fois par jour, nous ayons l'occasion d'être contents et que chaque fois nous en rendions grâce à Dieu. Se priver, par un voeu, d'une chose permise, ce n'est donc pas seulement modifier la Tora en y ajoutant un interdit (ce qui est déjà assez grave, comme nous avons eu l'occasion de le montrer il y a quelques instants), mais se priver par un voeu d'une chose permise, c'est refuser un bienfait que Dieu nous propose (ce qui est tout à fait inconvenant, compte tenu de la majesté de Celui qui propose : refuser un cadeau offert par constitue une goujaterie et une offense envers la personne sui offre) , et c'est par la même occasion, se priver de la possibilité de dire une bénédiction.
Voilà pourquoi celui qui se prive inutilement, est considéré comme un pêcheur, un coupable. Mieux encore, la guemara enseigne dans le traité Kiddouchin, qu'il nous faudra rendre des comptes, après 120 ans, pour toutes les satisfactions permises qui se seront présentées à nous et dont nous n'aurions pas profité.
Etre juif, c'est savoir profiter de toutes les jouissances permises que Dieu nous propose : les bénédictions que l'on récite à ces occasions constituent la preuve de notre conscience et de notre conviction que c'est Dieu qui est à l'origine de toutes ces satisfactions.
(Voir : "Diyoukim al ha-Tora" de Rav Pinhas Wolf, )
Rabbin D. Gottlieb.
A suivre .....