Chiour par Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB |
« Mitsva facile » et « mitsva difficile »
La michna Pirké Avot II, 1, dit : « Sois aussi attentif pour l’observance d’une mitsva facile que pour l’observance d’une mitsva difficile, parce que tu ne connais pas la récompense attachée à l’observance de chaque mitsva ».
Il n’y a que deux mitsvot dans la Tora pour lesquelles la récompense attachée à leur accomplissement soit explicitement mentionnée : il s’agit du respect des parents à propos duquel il est écrit : « afin que tes jours se prolongent » (Deut. XI, 21), et d’une mitsva qui stipule : « si tu vois un nid d’oiseau et une mère qui couve ses œufs ou ses petits, chasse la mère et prends les petits, afin que tes jours se prolongent » (Deut. XXII, 6).
On ne peut qu’être surpris de constater que ce sont précisément ces deux mitsvot qui sont réunies par la mention d’une même récompense à l’adresse de ceux qui les observent.
Cette constatation permet cependant d’expliquer les expressions « mitsva facile » et « mitsva difficile » qui figurent dans la michna.
Qu’est ce qu’une mitsva facile et qu’est-ce qu’une mitsva difficile ?
On pourrait imaginer que l’adjectif facile correspond à la facilité de compréhension des significations de la mitsva ; ainsi, il n’y a pas de mitsva plus facile à comprendre que la mitsva du respect des parents qui n’est, somme toute, que l’expression de la dette que chaque enfant doit à ses parents pour la vie qu’ils lui ont donnée et pour les soins qu’ils lui ont prodigués tout au long de son enfance. La mitsva du respect des parents est donc une mitsva tout à fait logique, rationnelle, et répond même à des pulsions tout à fait naturelles qui se manifestent en chaque homme. Par contre, on ne comprend guère la signification de la mitsva qui consiste à chasser une mère d’oiseaux pour prendre ses petits ; on le comprend d’autant moins qu’une michna nous dit qu’il ne faut pas croire que c’est pour éviter d’infliger une douleur à la mère qu’on doit la chasser avant de prendre les petits. Autrement dit, c’est une mitsva qui nous est ou qui doit nous être complètement incompréhensible.
Ainsi, la mitsva du respect des parents et celle de l’oiseau sont deux mitsvot qui sont aux antipodes du registre de la compréhension : l’une est très facile à comprendre et l’autre est très difficile à comprendre, et pourtant la Tora leur a attribué la même promesse de récompense.
Par contre, quand il s’agit du registre de la difficulté d’accomplissement, on peut dire que la mitsva de l’oiseau est la plus facile à accomplir, puisque pour chasser un oiseau il suffit de s’en approcher ou de faire un peu de bruit, tandis que la mitsva du respect des parents est considérée comme l’une des plus difficiles : le Talmud raconte en effet qu’un rabbin, pour éviter à sa mère, lorsqu’elle sortait de la maison par temps pluvieux, de se salir les pieds, mettait ses mains là où elle allait poser ses pieds et il l’accompagnait ainsi, transformant ses mains en un tapis mobile. Quand les rabbins ont entendu parler de cela, au lieu de s’extasier devant la manière dont leur collègue se comportait, ils ont dit que quand bien même il en ferait dix fois plus, il n’aurait pas atteint la moitié de ce que la Tora attend d’un enfant pour témoigner son respect à sa mère.
Autrement dit, aussi bien sur le plan de la facilité ou de la difficulté que sur le plan de la compréhension et de l’incompréhension des mitsvot, la Tora a attribué le même mérite à ces deux prescriptions, ce qui confirme bien qu’on ne connaît pas la récompense attribuée à l’accomplissement des différentes mitsvot
Ajoutons cependant, deux éléments : le premier, c’est un récit du Talmud qui rapporte l’histoire d’un père qui, marchant dans la forêt avec son fils, lui demande de monter sur un arbre, de chasser la mère d’oiseaux et de prendre les petits ; tandis que le fils descend de l’arbre après avoir obéi à son père, l’enfant tombe et se tue. Ce texte pose le problème général de la rétribution : qu’en est-il de la promesse de longévité assortie à l’accomplissement de ces deux mitsvot, puisque l’enfant était en train de les accomplir simultanément, et cependant il est mort.
L’une des réponses à cette question consiste à dire qu’il n’y a pas de justice immanente : lorsque Dieu a créé l’homme, Il l’a créé libre ; et pour que la liberté de l’homme soit et reste totale, il ne pourrait y avoir de justice immanente : la rétribution ne sera accordée que dans l’au delà.
La deuxième réponse consiste à constater
que la récompense liée à l’accomplissement de ces
deux mitsvot n’est pas tout à fait la même : pour l’oiseau,
la Tora annonce simplement la longévité, tandis que pour
le respect des parents, la Tora annonce la longévité
« sur la terre que Dieu a promis de donner aux patriarches »
; cela implique que la vie sur la terre d’Israël soit possible et
bien organisée, comme pour signifier que dans la relation entre
les parents et les enfants, une part importante doit être consacrée
à la transmission des valeurs du judaïsme : les parents
ne donnent pas seulement la vie, mais ils éduquent leurs enfants
dans la connaissance de la Tora, dans l’amour du peuple et dans l’amour
de la Terre, de sorte que la récompense pour le respect des
parents est une récompense qui concerne dans sa collectivité
tout le peuple d’Israël en marche vers le retour à sa normalité.
Rabbin D. Gottlieb.
A suivre .....