Chiour par Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB


 
 

« LA PRIERE JUIVE »


 

LA PRIERE JUIVE

(Conférence de Monsieur le Rabbin D. GOTTLIEB)

La prière soulève de nombreux problèmes, dont je vous rappelle les plus importants :

- De quel droit adressons-nous la parole à l’Etre Suprême ?

- Comment pouvons-nous Lui demander de résoudre nos petits problèmes ? Il ne nous viendrait pas à l’idée d’aller trouver le Président de la République pour lui dire : «j’ai un ennui de robinetterie...», et pourtant je demande à Dieu de m’aider à surmonter mon mal de gorge !

 Le contact entre l’homme et Dieu s’étant instauré dans la prière, pourquoi Dieu exaucerait-il cette prière formulée par l’une de ses humbles créatures ? D’ailleurs, apparemment, il semblerait que Dieu n’exauce pas les prières, du moins pas toutes, et pourtant nous continuons à prier. C’est là une nouvelle difficulté !

 J’ai dit tout à l’heure qu’il était bizarre que l’homme ait le droit de s’adresser à Dieu dans la prière; or nous constatons que la prière n’est pas présentée habituellement comme un droit accordée à l’homme, mais comme un devoir : l’homme religieux doit prier.

- Je continue l’énumération de ces questions que tous les théologiens ont rencontrées, et en particulier les théologiens juifs : si je suis juif, je dois prier trois fois par jour, à heure fixe : le matin, l’après-midi et le soir.
Peut-être ai-je envie d’exprimer à Dieu une idée particulière, personnelle, et que vois-je?

Un texte liturgique, un livre de prières avec des formules consacrées, qui ne contiennent pas nécessairement la requête que je voudrais adresser à Dieu au moment précis prescrit pour la prière. Et, en ce qui concerne la prière juive, un problème nouveau demande a être résolu, parce que, peut-être,
je ne comprends pas les mots que je dois dire à Dieu, car mon texte est en hébreu, or la langue que je comprends est le français.

Voici donc, schématiquement, l’éventail des grandes questions qui se posent à propos de la prière : la prière est-elle un droit ou un devoir ? Et si on prie, faut-il prier suivant l’impulsion, suivant le sentiment qui anime au moment d’entrer en contact avec Dieu, ou bien faut-il réciter des textes déterminés ? Pourquoi aussi cette exigence du judaïsme de maintenir la prière en hébreu, en dépit des inconvénients de la chose ? - par exemple, l’incompréhension d’un trop grand nombre de fidèles. Pourquoi prier à heures fixes, trois fois par jour ? L’existence même d’un «livre de prières» indique la réponse du judaïsme mais implique une explication.

Une remarque préliminaire extrêmement importante introduira mon exposé : je ne suis pas certain que nous pensions à la même chose, vous et moi, lorsque nous employons le mot «prier». Il est évident en effet que l’idée de prier, comme beaucoup d’autres idées religieuses, morales, théologiques, est une idée qui a une signification différente selon la langue dans laquelle on s’exprime. Je précise encore ma pensée : je m’adresse à vous en français, c’est-à-dire dans une langue, je ne veux pas dire chrétienne, mais presque... et j’essaie d’exprimer des idées hébraïques. J’emploie un mot français, un mot chrétien, pour désigner une idée juive, qui peut-être n’existe pas dans la pensée chrétienne, ou en tout cas, pas sous la même forme.

Pour illustrer ce thème, je vais vous donner un exemple en passant, pour vous montrer en quoi consiste le problème auquel nous sommes confrontés quotidiennement, quand il s’agit d’exposer en français une idée juive : certains sont tentés de voir dans le judaïsme une religion. Or le mot «religion» n’existe pas en hébreu - ni en hébreu biblique, ni en hébreu michnique, ni en hébreu talmudique - ce qui prouve bien que la notion de «religion» est étrangère à la conscience juive authentique, lorsqu’elle réfléchit sur son propre être. Dans les temps modernes, certes - c’est-à-dire au Moyen Age -, les hébraïsants, les linguistes ont été obligés de fabriquer un terme pour désigner l’idée de «religion», afin que les juifs qui pensent et s’expriment en hébreu puissent comprendre des hommes qui se situent dans des catégories de «la religion», et dialoguer avec eux. Mais, je le répète, le concept de «religion» n’est pas un concept juif.
 

Eh bien, pour en revenir à la prière, c’est pareil : le verbe hébreu ou la racine hébraïque, que l’on traduit très improprement par «prier», a une signification très particulière. Ceux d’entre vous qui disposent de quelques rudiments de grammaire hébraïque, remarqueront que le verbe hébreu que l’on traduit en français par prier, le verbe LEHITPALLEL, se présente à nous sous une forme réfléchie : c’est le forme réfléchie du verbe «juger». Autrement dit, le judaïsme connaît, en guise de prière, une attitude, un geste, un rite qui consiste en des séances tri-quotidiennes, au cours desquelles l’individu juif se juge lui-même; disons qu’il se juge lui-même devant Dieu. Si on n’en est venu à adopter le verbe français «prier» pour désigner la participation à ces séances liturgiques, c’est précisément à cause de cette analogie de formes avec la prière non-juive : l’homme parle en présence de Dieu. Mais que les choses soient bien précises dès le départ : lorsque le juif «prie», il se juge lui-même, c’est-à-dire qu’il fait son propre bilan; et cette constatation nous expliquera déjà l’un ou l’autre des paradoxes que j’ai exposés tout à l’heure.
 

Lorsqu’un commerçant ou un industriel veut savoir où il en est, il fait un bilan. En général, cela se fait à date fixe - à la fin du mois, au début du trimestre, à la fin de l’année, peu importe : mais à date fixe. On ne demande pas au gérant s’il a envie, aujourd’hui, de faire le bilan de son activité. Il sait qu’à tel moment de son année, il doit regarder ce qui s’est passé et déduire de son comportement ou de son activité antérieure les attitudes qu’il lui sera opportun d’adopter dans l’avenir. Eh bien ! la prière, c’est cela ! Trois fois par jour, le matin, l’après-midi et le soir, je me demande ce que j’ai fait dans la tranche de temps qui me sépare de ma prière précédente et je prends les décisions que j’essaierai de mettre en application jusqu’à la prière suivante. Mais, pour qu’un bilan soit efficace, il faut disposer de critères précis. Dans le monde des affaires, du commerce, les choses sont simples : l’accroissement du bénéfice ou du chiffre d’affaires, c’est bon; le contraire, c’est mauvais. En ce qui concerne les comportements humains, les problèmes sont beaucoup plus complexes. Qu’est-ce qui est bien ? et qu’est-ce qui n’est pas bien ? Il faut avoir des critères. Pour l’homme juif, le critère, s’il n’est pas simple, est à tout le moins accessible : la volonté de Dieu, exprimée dans la Bible, c’est bien; le refus d’obéissance à la parole divine, c’est mal. Etant donné que l’on n’a pas le temps matériel de lire la totalité de la Bible trois fois par jour, la tradition a choisi un certain nombre de textes bibliques qu’il est indispensable d’avoir présents à l’esprit, avant d’adopter la moindre attitude, avant de prendre la moindre décision.
 

Ce n’est pas, bien entendu, il faut le souligner, qu’il y ait des textes qui soient plus importants que d’autres; ce n’est pas que tels chapitres ou tels paragraphes bibliques soient plus «divins» que d’autres, mais il y a des versets qui, peut-être, peuvent constituer des appels, des invitations, à l’adhésion globale à la totalité de la parole de Dieu. Et ce sont précisément ces textes-là qui figurent dans le rituel, dans le «livre de prière» juif.
 

Cette constatation me permet de résoudre encore une des difficultés que j’avais soulevées tout à l’heure : pourquoi prier en hébreu ? C’est tout simple : Dieu s’est exprimé en hébreu. Le texte original de la Bible est en hébreu. Sachant que toute traduction est une interprétation, et une interprétation partielle, les maîtres de la tradition juive ont toujours tenu à ce que la prière se fasse en hébreu. S’il y a des Juifs qui ne comprennent pas l’hébreu, qui n’accèdent pas à la signification exacte des mots qu’ils doivent prononcer, c’est profondément regrettable. Et pour remédier à cet état de fait, il n’est qu’une solution : c’est d’apprendre l’hébreu. Non seulement pour prier, mais aussi pour étudier la Bible, pour comprendre les implications de la volonté divine. J’ajoute que notre période n’est pas la première dans l’Histoire où des fidèles ignorent l’hébreu : au cours de la dispersion de Babylonie, on parlait plus l’araméen que l’hébreu. Mais, de tous temps, les autorités juives, dans une unanimité et un accord absolus, ont tenu à conserver l’hébreu dans la prière pour deux raisons essentielles : il s’agissait d’une part de sauvegarder la connaissance de la langue sacrée - la langue de la Bible dans laquelle l’essence des choses est implicite aux mots qui les désignent - et d’autre part, de maintenir autour de la langue hébraïque l’unité du peuple d’Israël. Conservé dans le prière et dans l’étude permanente de la Loi, même quand il n’était pas utilisé dans les conversations quotidiennes, l’hébreu a pu connaître la résurrection à laquelle on assiste depuis près d’un siècle dans l’Israël moderne; et c’est d’ailleurs là que se cristallise l’unité du peuple juif, qui constitue l’un des thèmes essentiels de la théologie juive; cet enseignement ressort, entre autres, du choix de l’hébreu comme langue liturgique.
 

J’avais relevé dans une anthologie de prières cette phrase : «Il n’est pas de sources plus instructives que les prières et les témoignages sur les prières : elles caractérisent une religion, une époque religieuse de façon plus efficace que la mythologie, le dogme, la morale ou la théologie». C’est particulièrement vrai, en ce qui concerne le Judaïsme, puisque, je viens de vous le dire, la prière juive constitue en quelque sorte un cours de théologie, auquel le Juif se doit de participer trois fois par jour, soit en relisant les citations bibliques qui sont entrées dans la liturgie, soit en lisant, en méditant, en réfléchissant sur les textes liturgiques non bibliques, qui apportent et enseignent les valeurs que l’homme juste doit avoir présentes à l’esprit au cours de son activité de tous les jours, pour pouvoir décider de son comportement.
 

Quels sont donc les grands thèmes  qui ressortent de la prière ?

Tout d’abord, et cela peut sembler une tautologie que de le dire, mais il est parfois bon de formuler des vérités premières: que Dieu nous écoute ou que Dieu nous parle, cela revient au même. Quand nous lisons la Bible, nous ne lisons pas un roman, c’est en fait la parole divine que nous entendons. S’il faut prier, ce n’est pas seulement pour assister à ce cours de théologie dont j’ai parlé, c’est aussi parce que l’être juif reproduit à chaque génération des gestes, des attitudes de ses ancêtres, et en particulier des personnages bibliques modèles : les trois patriarches, Abraham, Isaac, Jacob, se sont illustrés à des moments particuliers de la journée en s’adressant à Dieu : Abraham le matin, Isaac à midi, Jacob le soir : le matin, à midi et le soir, nous essayons de récapituler la dimension d’Abraham, la dimension d’Isaac et la dimension de Jacob, et de faire nôtre le chemin que ces patriarches ont parcouru, ce que chacun d’eux a apporté à l’humanité. Mais après les patriarches, ce rythme tri-quotidien s’est retrouvé encore dans le culte sacrificiel du Temple de Jérusalem. Il y avait des sacrifices le matin, il y avait des sacrifices l’après-midi et le soir encore des gestes en rapport avec le culte sacrificiel. Aussi, le fait de se mettre à prier le matin, l’après-midi et le soir a été depuis près de 2000 ans que le Temple est détruit, une occasion pour le Juif de se rendre compte profondément que son judaïsme, en exil, en dehors de la terre d’Israël, était amputé d’une de ses dimensions majeures. Dans le texte liturgique, d’ailleurs, on dit régulièrement :
«En expiation de nos nombreux péchés, nous avons été expulsés de la Terre que Tu avais promise à nos patriarches Abraham, Isaac et Jacob, que Tu avais donnée à Moise, et nous ne pouvons plus maintenant offrir les sacrifices prescrits. Puisses-Tu nous ramener à Sion, Ta ville, avec des chants d’allégresse, et à Jérusalem la capitale de Ta Sainteté dans une joie éternelle afin que nous puissions nous y acquitter de nos devoirs spécifiques à cette journée...»
(extrait de la liturgie des jours de fêtes).
 

Cette dimension de la prière qui remplace le service du Temple, est encore apparente dans un autre détail de la prière juive : l’homme juif, lorsqu’il prie, se tourne vers Jérusalem et avance de trois pas dans cette direction, comme pour signifier que la porte d’accès au ciel, pour toutes les prières, se trouve à Jérusalem et comme pour exprimer que nous voudrions pouvoir nous mettre en route pour y porter nos prières (pour la pensée juive, les idées abstraites, comme les sentiments, ne peuvent avoir de signification ou de réalité efficaces que si elles sont concrétisées ou matérialisées, ne serait-ce que de façon symbolique, par un geste ou une attitude).

Eh bien, c’est par cette orientation vers Jérusalem que l’idée nous est enseignée d’une nécessité de retour, ou même d’une nécessité théologique de retour sur la Terre Promise, hors de laquelle l’héritage spirituelle de nos ancêtres ne pourra jamais être qu’approximatif.

Ainsi avons-nous déjà rencontré l’idée d’un peuple juif unifié par sa langue, sa fidélité à la Bible et attaché à une terre dont Jérusalem est le centre géographique et spirituel.
 

Dans un autre ordre d’idées, si l’on se demande «Qui est Dieu ?» C’est encore dans les textes liturgiques que nous trouverons l’ébauche d’une réponse. Dieu est-il cet être abstrait dont parlent les philosophes, «Maître du monde», «Roi de l’univers» lointain et inaccessible, auquel on ne s’adresserait qu’avec crainte, révérence, vénération, distance ? Ou bien Dieu est-il le père auquel on s’adresse spontanément, avec affection, dont on ressentirait la proximité, que l’on pourrait tutoyer ? Eh bien , pour vous montrer les subtilités du texte liturgique, je vous dirais qu’il y a un incessant balancement dans la liturgie juive, entre la deuxième personne et la troisième personne. On s’adresse à Dieu, en début de phrase, en disant : «Il est grand, Il a crée le monde...» et puis , dans la même phrase , on continue en disant : « et Toi, Tu...»; ce qui est intéressant, c’est de constater quelle est la charnière qui fait passer de la troisième personne de majesté à la deuxième personne de proximité, qui fait passer du Dieu lointain, du Dieu des philosophes, du Dieu de l’univers au Dieu personnel, au Dieu d’Israël? C’est toujours une phrase qui constitue un rappel historique : c’est une évocation d’une situation historique, au cours de laquelle Dieu a témoigné son attachement particulier à Israël, peuple élu. Dieu est le Dieu qui fait que «les soirs succèdent aux matins et les matins aux soirs», Dieu universel qui a créé le monde, etc... à la troisième personne, mais on dit
«Tu nous a aimés, Tu nous as manifesté Ton amour en donnant à nos ancêtres une terre où coule le lait et le miel... et en nous demandant d’observer les commandements que Tu nous as révélés...», «Il a créé le monde et Tu nous as fait sortir d’Egypte ».
 

Cette proximité de Dieu, qui par ailleurs reste majestueux et glorieux, se manifeste précisément dans le fait qu’il ait élu, choisi, le peuple d’Israël pour lui attribuer une Terre et lui confier un rôle des lois, des règles particulières. L’idée d’élection est intimement liée, dans le texte biblique, à l’observance de la Loi. C’est une façon de vivre, une façon d’être homme, que Dieu a demandé à Israël de mettre en pratique, pour être digne du nom d’Israël.
 

Dans ce tour d’horizon sur les enseignements que nous apporte le texte liturgique, il y a bien entendu, cet appel irrésistible, cet appel grave et sérieux, à la fidélité absolue à la Loi, puisque, je viens de le dire, le critère de la Loi est celui qui accompagne l’élection du peuple.
 

Il y aurait encore bien d’autres leçons à tirer du texte liturgique, et bien d’autres problèmes à résoudre; peut-être les questions que vous me poserez tout à l’heure me donneront-elles l’occasion d’aborder quelques nouveaux sujets. Je voudrais simplement, pour conclure, présenter un autre aspect de la prière. Tout à l’heure je l’ai présentée avec peut-être un peu moins de chaleur qu’elle n’en a en réalité. J’ai parlé de devoir, j’ai parlé de lois, de leçons, de cours. Eh bien, s’il y a trois prières quotidiennes, à heure fixe, c’est qu’en fait, même si on ne s’en rend pas bien compte, la prière - c’est-à-dire le contact avec l’Absolu - est une nécessité, est un besoin spirituel comme l’alimentation est un besoin pour le corps.

L’un de nos plus éminents théologiens a pu dire en substance ceci : «Tous les médecins affirment qu’il est préférable pour l’équilibre de manger régulièrement trois fois par jour des petits repas équilibrés, même si l’on n’a pas particulièrement faim à l’heure du repas. De la même façon est-il préférable, pour l’esprit, de s’astreindre à une certaine discipline : la prière est un besoin, une nécessité ». Je dois «absorber» trois fois par jour, au moment des séances liturgiques, une dose de bonnes résolutions. Ce n’est pas que la prière apporte un changement en Dieu, certes non. Dans la première question que je posais, je demandais quelle influence nous pouvons prétendre avoir sur le Maître de nos destinées. Mais en priant, j’essaie de me changer moi-même, j’essaie de faire en sorte que le terrain devienne propice à la réalisation des bienfaits que Dieu est disposé à m’accorder. Si un agriculteur prie pour une bonne récolte, tout ce que Dieu peut faire, c’est qu’il pleuve en temps voulu; mais pour que la récolte soit bonne, l’homme devra décider d’aller labourer, semer et arroser, travailler la terre : Dieu fera le reste. Telle est d’ailleurs la conception juive du miracle : l‘homme agit, l’homme fait, l’homme réalise; et quand, de temps en temps, les efforts fournis procurent des résultats qui dépassent les prévisions les plus optimistes, c’est que la prière a été exaucée et qu’un miracle a été accompli.
 

Si vous voulez, pour conclure, je vous renverrai à un texte biblique que vous connaissez tous : c’est l’histoire de Jacob qui s’est arrêté dans sa marche, qui s’est couché, endormi et qui a rêvé : il a vu une échelle et, sur cette échelle, il a vu des anges qui montaient et qui descendaient (geste inverse de la main : de haut en bas puis de bas en haut.) (Genèse XXIIX, 12). Vous n’aviez jamais remarqué cette particularité du texte biblique ? Si le texte biblique s’exprime ainsi, c’est que les anges, dans la mesure où ils existent, sont censés demeurer en haut, donc ils montent de haut en bas et ils redescendent de bas en haut... Quand je lis la Bible en hébreu, je ne peux pas ne pas m’arrêter à de telles particularités ! Mais l’explication est simple : quand Jacob s’est arrêté, il était à Béthel, à 10 km de Jérusalem. Or en hébreu biblique comme en hébreu moderne, le fait d’aller vers la terre d’Israël s’exprime par le verbe «monter», cela s’appelle une «aliah», une montée, c’est-à-dire que l’on monte en Israël quel que soit le lieu d’où l’on part : on dirait de quelqu’un qui habiterait à Chamonix et qui irait à Tel Aviv, au bord de la mer, qu’ « il monte en Israël ». Dire que les anges montent du ciel sur la terre d’Israël, c’est dire que pour la littérature biblique, et donc pour la pensée juive, la sainteté de la terre d’Israël est plus grande que la sainteté du ciel. Revenons au rêve de Jacob : le mot que j’ai traduit par «ange»,le mot «malakh», en hébreu, a plusieurs significations.
 

Cela veut dire «un ange» bien sûr, mais cela veut dire également «un messager», et si ce mot biblique «malakh» pour les hébraïsants, a deux significations, c’est tout simplement parce qu’un ange est un être chargé de mission : on peut dire, sans forcer la linguistique, qu’un messager est un vecteur de communication, c’est un élément qui permet à la pensée d’une personne d’atteindre une autre personne. Le messager élémentaire qui me permet de vous atteindre, c’est le mot. Les ondes que j’émets parviennent jusqu’à votre tympan. Ces mots, j’aurais pu les confier à un messager, avec un papier pour vous les porter.

Le rêve de Jacob, dans lequel il a vu des anges qui venaient du ciel et qui retournaient au ciel, constitue la plus belle image que l’on puisse donner de la prière. Ces messagers qui viennent du ciel, qui viennent de Dieu et qui parviennent jusqu’à moi, ce sont les mots que Dieu a prononcés, ce sont les mots de la Bible. Lorsque je lis la Bible, lorsque j’entends la Bible, c’est comme si des anges venaient à moi pour me porter le message de Dieu. Une fois, que le contact est établi, une fois que je me suis réglé sur la même longueur d’onde que Dieu, je peux Lui renvoyer des anges, des mots, des messagers, qui sont porteurs de mes souhaits, de ma prière. Et ce que je vais demander à Dieu, si je dois le résumer en une phrase, c’est de Lui demander de me donner les moyens de sa politique. Il me demande telle ou telle chose, alors ce que je Lui demande c’est de me permettre de le faire. Si je Le prie, si je Lui demande de bien vouloir m’accorder la force, l’intelligence, ce n’est pas tant parce que j’ai des examens ou des concours à préparer, mais c’est parce que j’ai besoin d’un peu d’intelligence pour apprendre l’hébreu, lire la Bible, le Talmud. Si je Lui demande de m’aider à garder mon emploi, d’accorder la fertilité à mon champ, c’est aussi parce qu’Il me demande de faire preuve de générosité, de partager, et pour partager, il faut que j’aie. Et si je Lui demande de m’accorder la paix, je pense que c’est parce que j’ai besoin de la paix pour vivre en société, dans le monde avec mes frères humains, pour échanger avec eux. Alors je demande à Dieu de me donner le petit coup de pouce qu’il me faut pour m’aider à réaliser cet objectif sans lequel rien de ce qu’Il me demande n’est possible.
 
 

Le Rabbin Daniel GOTTLIEB
 

    Nos remerciements à Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB
A suivre .....



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