THÈMES de la QABALAH
L'Arbre de Vie
D'après un spécialiste du mysticisme de la Qabalah,
Gershom Sholem, le monothéisme ne peut trouver sa véritable
raison d'être
que dans une tension et unva-et-vient entre les deux pôles
extrêmes du tout ou rien.
"Tout" est l'adhésion totale au divin ou la recherche
du divin en toute chose, entraînant de ce fait les avatars
de l'idolâtrie et du polythéisme.
"Rien" est la vacuité de toute spiritualité, la
négation de toute transcendance, la matière étant
origine et fin.
Liés à la recherche d'absolu, ces deux pôles
extrêmes engendrent les intégrismes et la violence.
La spiritualité du monothéisme est une recherche
du divin, à travers ses deux aspects
transcendant et immanent, excluant de se fixer à l'un
ou l'autre des pôles extrêmes.
Elle implique le mouvement et la mobilité de l'être,
à la recherche de la zone
d'équilibre et d'apaisement personnel entre les extrêmes,
tout en évitant de s'en approcher.
La Tradition de la Qabalah qui n'est qu'une tendance de "la stricte
voie tracée",
offre précisément à chacun la possibilité
d'évoluer dans le sens de l'équilibre, par la
construction d'une arborescence appelée "Arbre de Vie"
et par le cheminement dans ses sentiers,
dans le but de sentir et de repérer la voie du milieu.
Elle offre la possibilité de discerner entre les dualités
qui nous habitent, tant sur le plan pratique que sur le plan éthique.
L'être humain baigne dans le mélange du bien et
du mal, agit avec intuition et jugement, réagit par la rigueur et
la miséricorde,
vit à travers des comportements actifs et passifs, masculin
et féminin...
Encore faut-il en être conscient.
La connaissance du divin passe par la connaissance de soi, mais
on peut aussi inverser la proposition.
La démarche de réflexion et de cheminement liée
à l'Arbre de
Vie pose un acte et crée des repères, facilitant
de ce fait la relation avec le divin.
Celle-ci est une vibration autorisant une approche, un simple
effleurement.
On peut appréhender l'Arbre de Vie comme un modèle
de l'esprit se reflétant dans tous les actes
de la vie matérielle ou comme une transposition des archétypes
humains dans un univers aux limites du cerveau humain, allant
jusqu'aux frontières du divin.
Appelé monde intermédiaire, cet espacement est
le résultat de séparations
successives résultant du processus de la création
et de l'éloignement progressif du divin.
Comparable à un sas entre le monde spirituel et le monde
matériel, ce monde est inaccessible au profane.
Mais un individu préparé peut le sentir, le percevoir
ou s'en rapprocher.
L'infini "ayn sof" est une "unité sans limite" qui règne
dans l'éternité.
Cette unité est aussi une volonté sans finalité,
sans besoin et sans détermination.
De cette volonté naît la pensée ou le projet
de créer l'univers: l'origine du déclic est la Cause des
Causes,
le secret absolu et insondable, la grande interrogation qui sépare
la foi de
l'incrédulité. Le résultat de cette pensée
est ce double mouvement simultané de retrait et d'émanation,
qui équivaut en fait à une immobilité sur
le plan ontologique.
Le mouvement de retrait aboutit à faire le vide, à
obtenir le "néant" et à laisser une place à la création.
Le mouvement inverse est celui de l'émanation qui aboutit
à remplir ce néant de lumière, une "lumière
sans limite".
C'est la "Sagesse du Commencement".
Globalement l'"unité sans limite" s'est déjà
retirée dans son immobilité, en ne laissant qu'une "trace",
presque un souvenir que l'homme fait revivre par son action et
par sa propre pensée.
D'où le schéma d'un Arbre de Vie, agencement spécifique
des "attributs" du divin, de cette trace du "sans limite",
pour la saisir ne serait ce qu'un instant, une fraction de seconde
avant qu'elle ne s'évanouisse dans l'espace et le temps.
L'être humain cherche à conserver cette petite parcelle
de lumière, cette étincelle qui lui est parvenue.
Il cherche à la faire vivre à travers les branches
et les noeuds de cet "Arbre de Vie", appelés lettres et séphirot.
Sur le plan matériel, l'être humain est un être
fini qui ne peut réaliser cette sauvegarde qu'avec ses limites.
Il est ainsi amené à illustrer le fond de sa pensée
par des
images et des schémas.
Mais comment représenter l'idée que l'on se fait
d'émanations, de flux de lumière, d'écoulement de
rosée,
d'attributs émanant d'un être infini, à la
fois lointain et proche, sans tomber dans l'anthropomorphisme?
Et il est encore plus difficile d'exprimer en langage humain
compréhensible l'idée que l'on se fait
de la pensée de D. eu égard au monde créé.
La Tradition a essayé de combler ce fossé en proposant
cette notion de "séfirah" qui a reçu les désignations
les plus étranges et les plus poétiques: parole,
lumière, force, source, saphir, mesure, couronne….
Ce mot dérive de la racine s/p/r qui a plusieurs sens:
numération (nombre, recensement), narration (récit, livre),
transparence (saphir, sphère). Pour se fixer les idées
on peut dire que les séfirot sont les vases créés
par
l'épanchement de la lumière originelle, celle qui
provient du mouvement de retrait et d'émanation de l'unité
"sans limite".
Ces vases sont aussi bien des récepteurs que des transmetteurs,
aussi bien des récipients que des outils de la création.
Tant les lettres de l'alphabet peuvent être aisément
appréhendées comme les briques élémentaires
du langage,
de la création et de l'action, dans la construction de
l'univers, tant les séfirot apparaissent comme des entités
abstraites,
difficiles à concevoir.
Plus l'être humain parvient à élever son
âme et à tendre vers son côté infini, plus il
est capable de les sentir ou de les comprendre.
En fait, il faut savoir ici que le monde intermédiaire
des forces-séfirot et des signes-lettres coïncide avec le
monde des anges et des âmes, qui sont deux aspects d'une
même unité, à l'image de la lumière
qui est à la fois ondes et particules.
L'Arbre de Vie est la construction centrale de la Qabalah. Il
est une image universelle de l'unité fracturée dans le décimal.
Pour se fixer les idées, le nombre dix peut être
représenté par des choses aussi concrètes que des
oiseaux ou des fruits;
ici il s'agit de notions abstraites comme la sagesse, la compassion
ou le discernement.
Malgré ou grâce à son anthropomorphisme, l'Arbre
de Vie est une image qui plaît.
Elle est comme une empreinte subtile que le monde spirituel a
laissé dans le subconscient de l'homme,
ou dans sa mémoire profonde.
Des approches différentes et variées sont pourtant
nécessaires pour en préciser le contour malgré leur
caractère infini, et même si on est amené
à se répéter.
Volonté de donner et désir de recevoir
Créature du divin, et contrairement à celui-ci,
l'être humain a été conçu avec des désirs
et des besoins.
Parmi ceux-ci, le besoin d'un Créateur et le désir
de recevoir de ce Créateur.
Pour certains êtres humains la notion du divin est innée
et, dès l'enfance, ils ont besoin de D.
et ils en font la recherche intuitivement. D'autres constatant
un jour que
le monde matériel qu'ils vivent est insuffisant à
leur plénitude, recherchent un "autre" monde ailleurs,
un monde perdu ou oublié pour les nostalgiques, un monde
à recréer ou à inventer pour les utopistes.
Une recherche spirituelle commence alors pour assouvir ce besoin
naissant.
Pour d'autres encore, ce besoin spirituel est entravé
ou refoulé pour diverses raisons, et ceux-ci n'éprouveront
peut-être
jamais d'expérience spirituelle.
Les imperfections du monde créé sont nécessaires
pour laisser une place à l'homme qui a un besoin de parfaire
ce qui est créé.
Parmi ces imperfections, il y a le mélange du bien et
du mal: avec son libre arbitre, l'homme doit appréhender
la responsabilité du choix.
L'équilibre de l'univers dépend de ce choix, et
c'est ainsi que l'homme participe à l'évolution de l'univers.
La Tradition propose, comme image du bien, un coffre contenant
des pierres précieuses et entouré par un serpent
venimeux. Pour accéder au bien, il faut savoir maîtriser
le serpent du mal, le neutraliser ou se débarrasser de lui.
Au-delà d'un choix, l'accès au bien nécessite
un effort, voire une conquête.
D'après la Tradition de la Qabalah, toutes les âmes
du monde forment une seule âme, celle de l'Adam primordial.
Comme la lumière est une parcelle de l'infini "ayn sof"
et que l'âme est une parcelle de l'Adam primordial,
l'âme est aussi une parcelle de lumière. Mais elle
est aussi un vase, un réceptacle et elle reçoit ce qui est
donné par le Créateur.
Nous avons d'un côté une volonté de donner,
de l'autre côté un désir de recevoir.
On vient de décrire le lien qui unit le Haut et le Bas
dans la même aventure, le Bas étant une émanation volontaire
du Haut.
Une échelle des âmes a été créée
de façon que par l'étude, par la prière ou par les
bonnes actions,
l'homme puisse s'élever progressivement du matériel
vers le spirituel, du désir de recevoir vers le désir de
donner.
Par sa propre volonté, l'âme grimpe, échelon
par échelon, les différents niveaux jusqu'à ressembler
à son
Créateur, dans le désir de donner. Au niveau le
plus bas, l'homme est un "corps de matière",
puisqu'il naît comme un "âne sauvage", un onagre,
avec "un total désir de recevoir pour soi".
Au fur et à mesure de la montée de l'âme,
la lumière émanant du Créateur se révèle
à travers ces vases,
qu'on a appelé "séfirot". Il y a ainsi un double
mouvement de montée et de descente qui s'interpénètre
ou s'entrelace.
Mais au sommet, l'essence du Créateur reste voilée.
Les différents vases, chacun à son niveau, reçoivent
et réfléchissent cette lumière.
On dit que la lumière réfléchie est la voyelle
qui permet de prononcer un mot et que
l'empreinte de cette lumière est la consonne.
Un mot émis et prononcé est le reflet du mouvement
de lumière qui crée les réceptacles, les vases, les
séfirot.
Par la prière, par des paroles de réconfort à
ceux qui sont dans la détresse ou par la répétition
des noms divins,
on recrée ici bas le désir de recevoir pour donner
et on restitue la lumière incidente en la renforçant.
Les vases brisés et la voie du retour
Les attributs divins ou séfirot constituent la trame de
l'Arbre de Vie et
sont aussi les vases de l'épanchement de la lumière
primordiale.
Trop forte, cette première lumière craquela les
vases réceptacles qui n'étaient pas à sa mesure.
Après la transgression du premier homme, les sept vases
inférieurs de l'arbre se sont brisés en
morceaux contenant des restes d'étincelles de la lumière
originelle.
Cette dislocation coïncide avec l'exil de l'homme, avec
l'éloignement du divin et avec le
déclenchement des forces du mal, qui se sont mélangées
aux forces du bien.
La "présence divine" ou Shékhinah, s'est estompée:
elle est devenue "veuve", ayant
perdu sa Résidence, "le Royaume sur terre" et elle a dû
se séparer de son époux.
L'homme est devenu orphelin ou "fils de la Veuve", ayant été
chassé de l'Eden.
Tout n'est néanmoins pas perdu.
La brisure des vases ne ferme pas la porte à une éventuelle
réparation des morceaux épars.
L'Arbre de Vie peut être appréhendé par une
pensée libre et volontaire.
On peut profiter de l'onde refluante pour essayer de trouver
la vague qui permet d'accéder à
une spiritualité dépouillée de tout dogme
et de tout sectarisme.
Le chandelier à sept branches est l'image symbolique de
ces étincelles, à partir desquelles il est possible
d'allumer une à une les sept lampes et préparer
ainsi la lumière du retour.
Choisir la voie du retour, c'est en quelque sorte remonter par
la pensée l'Arbre de Vie et réparer
ce qui a été brisé ou déformé,
par son action.
Retrouver le parfum de l'Eden primordial est laissé au
libre arbitre de l'homme.
D'un côté, par la prière ou par la méditation,
par le mérite des bonnes actions ou par
la recherche et l'étude, l'homme peut commencer à
restaurer ce qui a été brisé.
D'un autre côté, par un retour sur soi, il peut
séparer du mélange et de la confusion,
les écorces du mal, pour retrouver le fruit caché
du bien.
Mais la liberté de choix joue dans les deux sens: devant
l'éclipse du divin, la voie est aussi ouverte
à l'homme isolé qui recherche l'unité originelle,
de trouver dans la
magie un substitut de pouvoir, l'enfonçant de plus en
plus dans la folie.
La Shékhinah
La présence du divin dans l'univers créé
est appelée la Résidente ou "shékhinah".
Dans l'histoire du peuple hébreu, elle apparaît
comme la Gloire de l'Eternel, le
guidant dans ses déambulations du désert, parlant
à ses prophètes et à ses chefs,
dans le sanctuaire de la Tente du Rendez-vous et dans celui du
Temple de
Jérusalem. D'après la Tradition, lorsque le peuple
accomplit la loi, la shékhinah se rapproche de lui en dix étapes,
comme elle l'a fait entre l'époque de l'alliance d'Abraham
et celle de la construction du Temple par Salomon.
Inversement lorsque le peuple transgresse cette loi, la shékhinah
remonte vers sa source et s'estompe
en dix étapes également, comme ce fut le cas lors
de la destruction du Temple.
La shékhinah est à la fois l'aspect "féminin"
du divin et son aspect le plus vivant, le plus proche de l'homme.
Elle subit l'exil avec la Communauté d'Israël, quittant
le Lieu de sa Résidence, le Temple.
Après la destruction de celui-ci, la Shékhinah
est envahie par l'Autre Côté, elle est ligotée par
les "écorces du Mal",
devenant sa prisonnière.
Or la force de ces liens dépend du comportement de l'être
humain.
Si ce dernier transgresse les commandements divins, la shékhinah
reste tributaire.
S'il les accomplit, elle est libérée et rejoint
son Lieu virtuel, la séphirah Royaume, la dixième et la dernière,
celle qui est au contact avec l'univers humain.
D'après la tradition de la Qabalah, toute activité
humaine peut trouver un sens si elle est transformée progressivement,
si on parvient à élever un acte banal et profane
vers son côté sacré, par le rituel, la prière,
la méditation, les bonnes actions.
Ceci revient à défaire les écorces du mal
qui emprisonnent et qui cachent les étincelles
du bien et à rassembler celles-ci pour obtenir la lueur
qui va transformer notre vision du monde.
D'après la théorie de Louria, par notre réparation
et aussi par notre
perfectionnement progressif en une ou plusieurs vies, on arrivera
à libérer et à élever notre âme
et on parviendra ainsi à reconstituer ou à restaurer
l'unité primordiale.
Cette volonté de Rédemption et ce désir d'unification
du divin sont aussi étroitement liés aux temps messianiques.
Par son comportement, l'homme doit pouvoir atteindre l'équilibre
précaire et fugace entre la droite et la gauche,
entre la miséricorde et la rigueur, de la dualité
en lui.
Dans notre Arbre de Vie intime, il y a toujours un mouvement
à la recherche de cet équilibre précaire.
Ce mouvement est en fait nécessaire pour trouver la voie
du milieu, en tâtonnant.
Il est produit par un excès de rigueur ou un défaut
de miséricorde, ou vice et versa.
L'exagération durable vers l'un ou l'autre des deux pôles,
allant de l'excès à l'insuffisance de rigueur ou de
l'abus au défaut de miséricorde accélère
le mouvement, le rend plus ample, voire incontrôlable
et le fait basculer "ailleurs", vers l'Autre Côté.
Ce basculement a lieu au niveau de l'attribut Royaume, exutoire
de tous les flux supérieurs et celui où réside la
Shékhinah.
On se retrouve alors à l'envers du décor, dans
le domaine de
Satan, de l'illusion, où la face négative des séphirot
brille par le mal, l'injustice et la violence.
Un rictus pervers y remplace le rire innocent.
L'action humaine restaure le divin et, en libérant la shékhinah
des forces du mal,
elle rapproche le monde des temps messianiques.
La défaite totale du mal ne peut être réalisée
que dans cette perspective eschatologique.
En fait, elle n'est pas souhaitable dans un monde imparfait,
car l'Autre Côté concourt à l'équilibre du monde,
au statu quo entre les univers matériel et spirituel et
à la mise en évidence du bien.
Et dans l'attente de l'ère messianique, par l'accomplissement
des rites et des
commandements, on peut contenir et maîtriser le mal, en
le repérant, et en le séparant du bien.
Albert SOUED - 5/4/00
Nous remercions Mr Albert SOUED pour son
travail remarquable
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